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« Société de fatigue » : une réflexion profonde sur le stress et la pression contemporaine

Le livre Sociedade do Saço , écrit par le philosophe sud-coréen Byung-Chul Han, propose une analyse critique de la société contemporaine, en se concentrant sur les relations entre le sujet, le travail, la santé mentale et la recherche incessante de productivité. Initialement publié en 2010, cet ouvrage est devenu l’une des études les plus influentes sur les caractéristiques de la vie moderne et les nouvelles formes d’oppression dans le contexte du capitalisme néolibéral.

La thèse centrale de l'auteur est que la société actuelle n'est plus gouvernée par des formes traditionnelles d'oppression, telles que la répression externe imposée par les autorités politiques ou religieuses, mais par un nouveau type d'« auto-exploitation ». Han soutient que la société moderne, contrairement aux sociétés disciplinaires du passé, transforme ses membres en individus hyperactifs, autosuffisants et constamment poussés à produire plus, à réaliser plus et à être plus, jusqu’à l’épuisement physique et psychologique.



La fin de la « société disciplinaire » et l’émergence de la « société de la fatigue »


L'une des principales réflexions de la Sociedade do Saço est la transition entre la « société disciplinaire », décrite par Michel Foucault, et la « société de la fatigue ». Dans la société disciplinaire, qui prédominait aux XVIIIe et XIXe siècles, les gens étaient contrôlés par des structures de pouvoir externes, telles que les écoles, les usines et les prisons. L'accent était mis sur la conformité des individus aux normes sociales et le maintien de l'ordre par la punition et la surveillance.

En revanche, selon Han, la société contemporaine n’impose ni restrictions ni sanctions directes. Au contraire, elle favorise une forme de liberté qui, paradoxalement, conduit à une fatigue extrême et à un épuisement professionnel. L'individu est encouragé à devenir son propre patron, à gérer sa propre productivité et à assumer la responsabilité de son succès ou de son échec. Cette « autonomisation » finit par générer une pression constante pour être toujours en mouvement, toujours pour atteindre des objectifs plus élevés. La liberté se transforme en piège.

Le philosophe explique que, contrairement à la société disciplinaire, qui utilisait des méthodes de répression et d'interdiction, la société de la fatigue utilise la permission et l'incitation pour que les individus se surmènent. Au lieu d’être réprimés, les individus sont encouragés à poursuivre leurs propres objectifs et à se dépasser constamment pour obtenir de meilleurs résultats.


L’essor de l’auto-exploration


L’une des conséquences les plus frappantes de la société de la fatigue est le phénomène d’auto-exploitation. Au lieu d’être opprimé par une autorité extérieure, l’individu devient lui-même le bourreau. Han soutient que, dans ce nouveau contexte, les gens intériorisent la pression de toujours faire plus, d’être plus efficaces, créatifs et productifs. Le problème est que cette pression interne génère un épuisement physique et émotionnel.

La société d’aujourd’hui n’est donc plus une société de « contrôle » au sens classique du terme, mais une société de « performance ». En cherchant constamment à atteindre de nouveaux niveaux de réussite, les gens perdent la capacité de se reposer, de réfléchir, d’être simplement. L’auteur note que cela entraîne une augmentation des maladies liées au stress telles que la dépression, l’anxiété et le syndrome d’épuisement professionnel.


La culture de la positivité et de l’épuisement mental


Un autre point pertinent abordé dans le livre est la culture de la positivité qui domine la société actuelle. L’idée que tout est possible, que tout le monde peut réussir et que chacun doit toujours être motivé finit par alimenter un faux sentiment de bien-être. Cependant, cette recherche incessante d’accomplissement peut générer un profond épuisement mental.

Han souligne qu’au lieu de se permettre de ressentir de la tristesse, de la fatigue ou de la frustration – des émotions qui, aux yeux de la société moderne, sont considérées comme des échecs ou des faiblesses – les individus sont amenés à masquer ces sentiments, en se mettant la pression pour rester toujours heureux. , actif et productif. Ce comportement, selon l’auteur, entraîne une répression des émotions les plus authentiques et, finalement, un épuisement de la capacité de vivre de manière saine.


La critique du néolibéralisme et la superficialité des connexions


Byung-Chul Han consacre également une partie importante de son travail à critiquer le néolibéralisme. Selon lui, le système économique actuel maximise non seulement la productivité des individus, mais les exploite également émotionnellement, les encourageant à entretenir des relations les uns avec les autres de manière superficielle, sans profondeur ni authenticité. Les réseaux sociaux, par exemple, deviennent le reflet de ce comportement, où la recherche d'approbation, de reconnaissance et de validation se chevauche avec la véritable construction de liens émotionnels.

L'auteur dénonce comment, dans le néolibéralisme, l'individu est contraint de se réinventer constamment, de s'adapter et de rivaliser, sans l'espace de réflexion et de repos qui lui est dû. Le concept de « vivre efficacement » signifie souvent vivre superficiellement, sans avoir le temps de développer un sens plus profond à la vie.


La recherche des pauses et le retour au silence


L'une des solutions proposées par Han, bien que peu détaillée dans l'ouvrage, est la nécessité de retrouver le silence et l'introspection. L’auteur suggère que, dans un contexte de précipitation constante, il est essentiel de rechercher des moments de pause pour rétablir l’équilibre mental et émotionnel. La capacité de simplement « ne rien faire » et de vivre sans pressions extérieures pourrait être la clé pour surmonter la fatigue de la société contemporaine.


Conclusion


Sociedade do Saço est une lecture essentielle pour comprendre les dilemmes de la vie moderne et la relation entre les exigences de la société contemporaine et l'épuisement émotionnel de l'individu. Byung-Chul Han offre un aperçu approfondi de la manière dont la montée de la liberté individuelle a également entraîné un lourd fardeau d'exigence personnelle et d'autosuffisance, qui a pour conséquence une société saturée et épuisée. L’œuvre nous invite à réfléchir sur les conditions de vie que nous nous créons et sur la manière dont nous pouvons retrouver l’authenticité et la paix intérieure dans un monde tellement obsédé par la performance.




 
 
 

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